Les sols sont reconnus comme un des 3 grands réservoirs de biodiversité mais dont les diversités taxonomique et génétique sont fortement méconnues, aussi bien qualitativement que quantitativement. Peu de connaissances sont disponibles sur les profils écologiques de ces espèces de micro-, méso- et macro-organismes… en particulier, sur les vers de terre.
La faune du sol est représentée par de nombreux taxons (dont certains sont présentés dans le tableau ci-dessous), comprenant eux-mêmes des centaines, voire des milliers d’espèces. Cela représente donc une source de biodiversité non négligeable qu’il convient de connaître pour mieux la gérer. Les abondances numériques et pondérales de ces groupes taxonomiques sont relativement hétérogènes, les animaux de petite taille étant plus nombreux que ceux de taille moyenne ou grande. Ceci entraîne des représentations pondérales non négligeables pour les protozoaires et les nématodes, vis à vis des animaux de taille moyenne comme les microarthropodes (Acariens, collemboles et entognathes & archeognathes).
En moyenne, en prairie permanente, la faune du sol comprend quelques 260 millions d’individus au m² constituant une biomasse de 1,5 t/ha (150g/m²). Ainsi, plus de 1000 espèces d’invertébrés se rencontrent dans 1 m² de forêt tempérée.
La notion de fonctionnement biologique du sol correspond à un système d’interactions entre différents compartiments de la couverture pédologique qui font intervenir un acteur biologique (faune ou microorganismes ou racine), ces interactions induisant un certain nombre de fonctions agronomiques ou environnementales de la couverture pédologique.
Du point de vue du fonctionnement du sol, cette diversité taxonomique ne représente en biomasse que 50% de la biomasse microbienne du sol, qui elle-même ne représente que 0.15-0.20 % de la masse totale du sol. Que signifient ces 0.8 à 1 ‰ de biomasse animale en termes de fonctionnement des sols ? Pourquoi serait-il nécessaire de prendre en compte le fonctionnement biologique dans la gestion des sols tempérés ?
Pourquoi focaliser sur les lombriciens parmi les invertébrés endogés du sol ?
Les lombriciens sont reconnus internationalement en tant que bio-indicateur d’état/réponse de la qualité des sols et d’impact fonctionnel. En tant qu’indicateur de réponse, ils sont révélateurs des pressions (pollution, pratiques agricoles, qualité de l’eau, espèces envahissantes…), des réponses en termes de mesures de gestion (restauration, protection…) et les services écologiques qu’ils rendent peuvent être évalués.
De par leurs impacts sur le fonctionnement des sols, ils sont considérés comme des espèces clés et organismes ingénieurs de l’écosystème. Ils agissent sur le processus de décomposition et de brassage de la matière organique, sur la structuration des sols et sur le fonctionnement hydrique des sols.
Les conséquences de leurs activités permettent, entre autre, la réduction de l’érosion, la stimulation des activités microbiennes, l’augmentation de la production végétale ainsi que la réduction des risques de pollution. Toutefois, aucune mesure de conservation ou protection n’existe actuellement pour venir atténuer leur disparition entamée depuis les années 1970 sous la pression de certains usages et gestions des sols.
Pourtant, il s’agit de la 1ère biomasse animale terrestre en zone tempérée, à la base de la chaîne alimentaire pour de nombreux oiseaux, aussi bien turdidés que petits rapaces, reptiles, batraciens, mammifères (cf publications en Pologne, Ecosse, Espagne, montrant que la densité de blaireaux est fonction de l’abondance des vers de terre dans le paysage ; & hérisson, taupe, sangliers, …).
Il constitue aussi un bon outil pédagogique (simple, accessible/visible, connu dans la culture générale comme repoussant car gluant et serpentiforme mais aussi comme attirant par ses « bienfaits sur les sols », suscitant ainsi la curiosité), pour sensibiliser à la biodiversité des sols (sol vivant) tous les publics en même temps que les réseaux-métiers non liés à la biodiversité (enjeux sociétaux liés à l‘agriculture, gestion de l’eau en ville, aires récréatives et jardins, habitats naturels, génie civil, …).
Ainsi, ils ont été reconnus comme de bons bioindicateurs par différents programmes nationaux et européens car ils répondent aux 4 règles qui définissent un bon indicateur, à savoir, pertinence, fiabilité, sensibilité et reproductibilité.
Ils ont montré leur grande sensibilité aux variations des conditions de leur environnement (variation physico-chimique de l’habitat sol et variations des sources trophiques) et à ce titre, ils sont donc reconnus comme des bioindicateurs de réponse aux contraintes pédoclimatiques et aux pratiques de gestion des sols, rendant compte ainsi de l’état, des usages et de l’évolution des sols dans un contexte agricole, industriel et urbain.
Daniel Cluzeau
Enseignant chercheur, Univ.Rennes – UMR CNRS Ecobio