Zoom sur une expérience pionnière : le jardin de la manufacture Pralus à Roanne
Cette entreprise familiale créée en 1948 produit des pâtisseries et des confiseries à base de chocolat dans sa fabrique installée en ville sur les bords de la rivière Renaison. En 2016, elle a créé, dans le prolongement de la manufacture, un jardin potager pour ses 60 salariés.
Hugo Pralus, à l’initiative du jardin avec son père, répond à nos questions.
Quelle est l’origine de ce projet ?
L’entreprise a eu besoin d’agrandir ses locaux pour faire face au développement de son activité et a saisi l’opportunité d’acquérir un terrain adjacent de 1,5 ha en friche et à l’abandon. Parallèlement à la construction d’un nouveau bâtiment, nous avons eu l’idée de créer sur la parcelle restante, un jardin destiné aux salariés.
Comment est organisé ce jardin ?
Nous avons réfléchi sur les pratiques de jardinage et décidé de nous placer délibérément dans une perspective d’avenir, cohérente avec les évolutions climatiques, en expérimentant la permaculture. C’est pourquoi, autour d’un grand jardin potager (2300 m2), le lieu accueille des serres, un verger, un espace pour les poules et les oies, une mare et une vingtaine de ruches.
Quelles sont vos méthodes de jardinage ?
Même si le terrain n’était pas pollué par les utilisations précédentes, un nettoyage du terrain et de ses gravats ainsi qu’un apport en terre végétale ont été nécessaires pour amender le sol et démarrer dans de bonnes conditions. L’eau est présente en quantité via un forage profond préexistant sur le terrain.
La volonté de suivre les principes du jardin au naturel et de la biodynamie s’est imposée avec un apprentissage progressif et une adaptation permanente aux résultats constatés dans les premières années.
Plus précisément, comment cultivez-vous ?
Après quelques tâtonnements, nous avons opté pour une culture en ligne sur buttes, facilitant l’enrichissement constant du sol par épandage du fumier des poules et apport de digestat issu des déchets de cuisine apportés par les salariés. Un désherbage manuel est effectué régulièrement, ce qui permet aussi une surveillance de la bonne santé des plantes. Selon le principe d’économie circulaire, les sacs de cacao en jute sont recyclés pour délimiter les aires de culture et les circulations. Les écorces de cacao servent au paillage des rangs de légumes.
Nous attachons une importance particulière aux associations de plantes afin de favoriser les compagnonnages fertiles.
L’arrosage est minuté en goutte à goutte et adapté manuellement selon la météo pour éviter le gaspillage.
Qui entretient le jardin au quotidien ?
La volonté de faire jardiner les salariés était présente au départ de l’aventure mais il est vite apparu que l’investissement en temps, nécessité par l’envergure du projet, n’était pas compatible avec le fonctionnement de l’entreprise. Aujourd’hui, 2 jardiniers à plein temps y travaillent en matinée, aux mêmes horaires que les salariés, ce qui facilite les échanges entre eux.
Justement, sans jardiner eux-mêmes, comment les salariés profitent-ils de cet espace ?
Ce jardin est devenu au fil du temps un lieu privilégié pour ceux qui y travaillent.
Tout d’abord, les salariés récupèrent selon leur choix tous les produits du jardin : légumes, fruits, oeufs, miel. Ils bénéficient pour ce faire de 30 minutes par semaine sur leur temps de travail et peuvent en profiter pour évoquer, avec les jardiniers, les méthodes de jardinage et les plantations qu’ils souhaiteraient voir effectuées.
Ils ont également la possibilité d’effectuer leurs pauses de travail au jardin dans ce cadre ressourçant, qui favorise les échanges entre les différentes équipes de la manufacture.
Par ailleurs, l’entreprise offre à ses salariés 2 casse- croutes par semaine au déjeuner des vendredis et samedis, qui se déroulent prioritairement dans le jardin si le temps s’y prête.
C’est aussi un lieu de détente en week-end, autour du terrain de pétanque et du barbecue ouvert à tous les membres de l’entreprise et à leur famille.
Les salariés les plus dubitatifs à l’origine du projet ont été peu à peu convaincus par l’intérêt montré par leurs collègues et un large public venu aux portes ouvertes organisées régulièrement.
Le coût de création et d’entretien du jardin représente un budget conséquent. Comment le rentabilisez-vous au niveau de l’entreprise ?
Cette initiative était effectivement un pari audacieux et original en 2016 lorsqu’elle a été lancée, à une époque où l’agroécologie et l’urgence climatique n’étaient pas encore très présentes dans les préoccupations nationales.
L’installation du jardin a été facilitée par la viabilisation du terrain pour la création du nouveau bâtiment. Les coûts de mise en place du jardin correspondent aux serres et aux grillages qu’il a fallu mettre en place pour empêcher les visites intempestives des fouines et des renards.
Pour nous, le bilan est largement positif et le coût de fonctionnement du jardin est largement compensé par le cercle vertueux créé autour de cet espace :
– contribution à la santé des salariés à travers une alimentation saine et durable et un lieu de travail entouré de végétal,
– cohésion des équipes,
– fierté d’appartenance,
– diffusion des pratiques de jardinage au naturel,
– cohérence de ce projet avec la politique de végétalisation des quartiers de la ville de Roanne.
Quels sont vos projets pour ce jardin ?
Les projets à venir concernent plusieurs axes :
– Accentuer le rôle pédagogique du jardin en développant avec les jardiniers des ateliers l’après-midi après le travail permettant aux salariés d’expérimenter concrètement dans la durée les pratiques de permaculture,
– Faire un bilan sur l’eau consommée effectivement afin de réduire cette utilisation,
– Planter quelques arbres au sein du potager dans l’esprit du concept de forêt jardin.
Est-ce que votre exemple a fait des émules parmi d’autres entreprises de l’agglomération roannaise ?
Je peux citer l’exemple de la Fabrikathé, à quelques kms de Roanne, qui a créé, à côté des plantations de théiers et d’herbes aromatiques, un jardin potager pour son personnel qui peut repartir chaque semaine avec son panier de légumes de saison.
Gageons que ces initiatives vont se multiplier.
Tout à la fois lieu de cueillette, de détente, d’échanges, de respiration et d’inspiration, le jardin de la manufacture Pralus a modifié en profondeur la vie de l’entreprise et de ses salariés, vers un bien-être profitable à tous.
Un grand merci à Hugo et François Pralus pour leur accueil.