Bien que ne faisant courir aucun risque à la santé humaine, cette affection de la tomate ne doit pas être prise à la légère. Pour le moment, le virus n’affecte que les serres professionnelles, mais il pourrait, à très court terme, passer dans les jardins d’amateurs qui deviendraient à leur tour des foyers de contamination. Pouvoir essayer de se prémunir d’une contamination, reconnaître les symptômes, avoir les bonnes réactions s’avèrent indispensable.
Comportement général des virus des plantes
Les virus des plantes sont des agents infectieux invisibles au microscope optique qui envahissent la totalité des organes des plantes hôtes sensibles.
La contamination des plantes se fait à partir d’une source d’origine et se transmet aux plantes saines par trois canaux principaux : les graines et les plants et la transmission dite mécanique par contact et blessures des organes de la plante et par les insectes, notamment ceux qui piquent et sucent la sève des plantes. A noter que les insectes auxiliaires et les pollinisateurs sont aussi des vecteurs potentiels de virus. En règle générale les plantes contaminées présentent des symptômes qui permettent d’identifier, de manière plus ou moins fiable, le virus cause de l’infection. Cependant la reconnaissance purement visuelle est difficile et il existe de nombreux risques de confusion avec d’autres maladies, voire des symptômes abiotiques engendrés par des problèmes climatiques ou de techniques culturales. Une autre difficulté provient du fait que des plantes peuvent être contaminées par le virus et, de ce fait, constituer une source de contamination pour les plantes saines, sans présenter aucun symptôme. On parle alors de plants porteurs sains ou asymptomatiques.
Par convention internationale les virus ont des dénominations scientifiques en langue anglaise desquelles découlent des codes en abréviation. L’exemple le plus connu sur la tomate est le TMV, Tobacco mosaïc virus ; en français virus de la mosaïque du tabac. Ce virus sévit encore de manière très importante, car les anciennes variétés sont très sensibles. Les maladies à virus sont qualifiées de viroses.
Le nouveau virus affectant les tomates est connu sous le nom scientifique de ToBRFV pour Tomato brown rugose fruit virus. En français « Virus du fruit brun rugueux de la tomate ». La propagation de cette maladie virale est typiquement le fait de la mondialisation des échanges. Le virus a été découvert en 2014 en Israël puis rapidement signalé en Jordanie, Turquie et Palestine pour arriver dans différents pays d’Europe : Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Pays-Bas, Grèce et Espagne. En France, il vient d’être localisé pour la première fois, à la mi-février 2020, dans des serres de Bretagne qui avaient utilisé des plants en provenance d’Angleterre produits à partir de graines hollandaises. A ce jour, il a été démontré que le virus était susceptible de contaminer les piments et les poivrons ; sa présence serait à confirmer sur aubergines. Comme la plupart des virus, il est susceptible d’affecter rapidement 100 % des plantes d’une parcelle.
Il est à retenir que les virus de végétaux ne sont pas transmissibles aux animaux et aux humains. En l’occurrence, les fruits issus de plantes contaminées perdent toutes leurs qualités gustatives, en raison d’une rupture de la maturation, venant altérer la qualité de la chair, ce qui les rend impropres à la commercialisation et très désagréables à la consommation. En revanche, ils n’ont pas d’impact sanitaire sur l’Homme, même en cas d’ingestion.
Comment reconnaître une plante infectée par le virus du fruit brun rugueux?
Sur les feuilles : on observe le plus souvent une mosaïque alternant des plages vertes et des plages jaunes. Cette mosaïque est diffuse et non limitée par les fines nervures de la feuille. Dans certains cas, les grosses nervures peuvent être décolorées. Très souvent cela s’accompagne de déformation des feuilles : réduction anarchique de la surface des folioles, boursouflures.
Sur les fleurs : on remarque des taches nécrotiques sur les pédoncules et le calice (enveloppe des sépales verts qui entoure les pétales jaunes).
Sur les fruits mûrs : on note la présence de larges taches diffuses, sans contours définis d’abord jaunes puis virant progressivement au brun. L’épiderme du fruit devient rugueux. Ce dernier symptôme risque d’être confondu avec des gerçures et des micro-éclatements de l’épiderme provoqués par des variations brutales d’hygrométrie.
Tous ces symptômes peuvent varier, en présence et en intensité, selon les variétés et les conditions de culture ; ce qui rend l’exercice du diagnostic difficile.
Conduite à tenir par le jardinier: ce qu’il faut faire, ce qu’il ne faut pas faire et comment faire
Aucune méthode de lutte curative ne permet de contrôler efficacement le ToBRFV. Généralement, une plante infectée le restera toute sa vie. Eviter d’être contaminé est, à ce stade, la méthode la plus efficace. En cours de culture, en cas de suspicion, prendre les bonnes décisions s’impose.
Eviter le risque de contamination par introduction du virus
Probablement, acheter des fruits contaminés constitue le premier risque et le plus important. En attente de la récolte au jardin, il est préférable de consommer des fruits de saison d’origine française. Pendant la période d’éventuelle consommation mixte (déjà la production de son jardin mais encore des achats complémentaires), il est indispensable de se laver soigneusement les mains avant de toucher ses propres plantes de tomates.
A ce stade du risque de contamination, utiliser ses propres graines n’est pas à proscrire. Cependant, il est recommandé d’utiliser des graines de variétés hybrides modernes génétiquement résistantes au virus de la mosaïque du tabac (TMV). Cette résistance n’est pas efficace sur le virus du fruit brun, mais elle évite les risques de confusion et d’erreur de diagnostic en cours de culture. Les graines, ayant fait l’objet d’un minimum de contrôles sanitaires doivent être achetées dans des circuits reconnus. L’achat de graines sur Internet, en dehors des circuits connus, est formellement proscrit. Les mêmes précautions doivent être prises lors d’achat ou d’échanges de plants.
En cours de culture limiter les risques de contaminations entre plantes :
Il convient de limiter les risques de contamination mécanique par micro blessures entraînant la transmission des virus d’une plante contaminée à une plante saine. Sur les plantes, la rupture des poils épidermiques (ce qui fait le verdissement de vos mains et de vos vêtements) est une source majeure de contamination. Pour cette raison, il est aussi souhaitable, lors de la plantation, de respecter des distances entre plantes qui ne permettent pas le contact de plantes à plantes lorsqu’il y a du vent.
Les opérations de taille et de palissage des plantes, sources majeures de diffusion du virus doivent être limitées au strict nécessaire. La désinfection du couteau avec un produit virucide, entre chaque plante est recommandée. Pour cela, il est possible d’utiliser de l’alcool ménager dilué à 40% d’eau.
Nous conseillons d’observer très régulièrement les plantes. Lors d’un doute avéré, la plante suspectée d’une atteinte virale doit être coupée au pied placée sur place dans un sac plastique et évacuée en incinération. Après cette opération, il est important de désinfecter les outils utilisés ainsi que les mains ou les gants du jardiner. Il est inutile et dangereux de vouloir supprimer seulement les feuilles atteintes puisque d’emblée tous les organes de la plante sont atteints et contaminants, même sans symptôme visible. Il est tout aussi dangereux d’arracher la plante, car cela entraînerait des cassures de racines de la plante malade, mais aussi des plantes saines adjacentes. Progressivement, les racines laissées dans le sol se décomposeront et le virus disparaîtra.
La vigilance s’impose ; pour vous exercer utilement au diagnostic vous pouvez consulter :
- ephytia.inra.fr
- En cas de doute, vous pouvez aussi transmettre des photos et un descriptif circonstancié à Hortiquid, la base d’experts de la SNHF.
L’Europe propose à ses états membres l’inscription de ce virus en organisme de quarantaine avec obligation de déclaration.