Portrait de jardinier
Situé en Bretagne, près de Lorient, le jardin de Jean-Charles Perazzi reflète fidèlement son créateur, à la fois engagé contre les idées toutes faites et inspiré par des voyages souvent lointains. Ici, le jardinage naturel, volontiers partagé avec les visiteurs, est élevé au rang d’art jubilatoire !
Le jardin de Jean-Charles a été créé sur une parcelle banale de lotissement. Quarante ans plus tard et malgré un terrain difficile, il ressemble à une jungle jardinée où la végétation prospère en abondance. Journaliste et auteur d’ouvrages sur le jardin et sur la malbouffe, Jean-Charles Perazzi se méfie des grands mots et des étiquettes, comme ‘écolo’ ou ‘bio’, qu’on essaie parfois de lui accoler. « Je fais juste du jardin au naturel et je n’utilise pas de produits chimiques », résume-t-il.
Sa vision du jardin
La démarche du maître des lieux vers un jardinage le plus respectueux possible de la nature est à la fois instinctive et très réfléchie. C’est le fruit d’une réflexion qui s’est enrichie de voyages lointains puis de nombreuses lectures. La découverte de la biodiversité de la vie à Madagascar a été une des premières révélations.
« En Amérique du Sud aussi, raconte-t-il, j’ai pu comprendre que c’est la Nature qui commande. L’Homme doit juste y trouver sa place. Les indiens respectent le mythe de la Pachamama (la terre mère), jusque dans les cultures… On couvre la terre, on l’habille lors que les récoltes sont faites. Certains vont même jusqu’à lui donner un peu d’alcool ». Jean-Charles a fait du respect de la Pachamama le fil conducteur de ses pratiques jardinières.
Le jardin en pratique
L’importance de l’eau
Malgré une terre de landes à ajoncs, très légère et perméable, l’eau est ici presque abondante. Il faut dire qu’aucune goutte n’est perdue grâce à un ingénieux système de récupération des toits, puis de distribution par gravité à un réseau de goutte à goutte, et aux arrosoirs posés à proximité des légumes…. Cet ingénieux système évite la fatigue.
Mieux connaître l’eau au jardin.
Produits faits maison
Avec ses 7 bacs à compost, Jean-Charles produit assez d’amendement pour son vaste terrain. Les bacs ont été fabriqués à l’aide de palettes. Placés côte à côte avec une paroi à claire-voie, le passage des vers est facilité d’un composteur à l’autre. Purin d’ortie, de consoude, d’algues marines (la mer est toute proche) constituent l’essentiel de la pharmacopée destinée au jardin. Il mélange aussi des fougères au compost utilisé pour les poireaux pour repousser les ravageurs. Seule concession aux produits du commerce, il lui arrive d’utiliser un produit anti-limace à base de phosphate de fer (utilisable en agriculture biologique sous certaines conditions).
Le potager en 3D
C’est le point phare du jardin. On y trouve une grande diversité de légumes cultivés en trois dimensions : « Dès que je peux faire grimper quelque chose, je le fais, pour gagner de la place. J’aime beaucoup ces haricots grimpants à grains rouges et à grains noirs venus d’Amérique Centrale ». Il les cultive selon la technique des 3 sœurs en les associant à la culture du maïs comme tuteur et de courge comme couvre-sol. Les nombreux tuteurs utilisés en abondance dans tout le jardin, sont fabriqués sur place avec les bambous. A côté d’espèces un peu exotiques comme les cristophines ou les kiwis, on trouve tous les légumes classiques souvent cultivés en associations. Pour les courges, Jean-Charles a essayé avec succès la culture sur buttes. Il creuse une large tranchée qu’il comble d’abord avec quelques branchages puis avec un mélange de compost et de terreau. Quant aux autres légumes, il mélange, il sème et il repique dès qu’il y a de la place…
Enrichir et pailler le sol
Le sol n’est pas labouré mais seulement enrichi en surface et recouvert. Pour le compost, Jean-Charles multiplie des bacs et les monte par deux en laissant une paroi perméable entre les deux. Les vers passent facilement d’un bac à l’autre lorsque le premier est plein. En plus des apports de compost, la terre est largement paillée. Jean-Charles utilise des feuilles de crocosmia, une plante vivace qui pousse un peu partout et devient invasive dans la partie ornementale du jardin.
Pour en savoir plus sur les techniques de couverture du sol.
Ses conseils
La boîte à bourdons
Jean-Charles reçoit régulièrement les écoles pour des ateliers de jardinage ‘à sa façon’. Les yeux des enfants pétillent lorsqu’il leur demande de capturer doucement un bourdon à l’aide d’une boîte à cigares en guise de piège. Après avoir collé l’oreille à la boîte, ils les relâchent un peu plus loin dans la serre, près des fleurs de tomates.
Les poules, amies du jardinier !
Tout au fond du jardin, de vastes enclos accueillent des poules. Le poulailler amène certes des œufs mais aussi beaucoup de vie, et un point d’attraction pour tous les enfants. Il reçoit tous les déchets ménagers et le pain sec de la boulangère. La soupe des poules est pilée chaque jour et mélangée à de l’ortie broyée. « J’ai fait un beau cadeau à mes poules en leur construisant un nouvel enclos où elles peuvent courir ». En échange, elles aident à lutter contre les limaces.
Ici, rien ne se perd, recycler est un jeu…
Jean-Charles récupère, assemble, forge, soude et invente de nouveaux outils pour jardiner. « Faire ses outils soi-même est un jeu. Prenez un vélo d’enfant retournez-le et munissez-le de quelques dents d’une faneuse et vous aurez un outil à roue très facile à utiliser pour griffer entre les rangs ». Le recyclage du verre est un autre des grands combats de Jean-Charles. « Toute bouteille en verre est conçue pour être réutilisée 60 fois avant d’être refondue. Or l’habitude est désormais de la mettre à la benne après un seul usage…Cherchez l’erreur ! ». Ici, de vieilles bouteilles de verre sont plantées côte à côte le long des chemins, pour faire de jolies bordures inaltérables.
Les différentes remises, abris à outils et même la serre ont été auto-construites, souvent avec des matériaux de qualité. Un exemple ? La jolie serre a été montée avec les baies vitrées d’une banque dont la pose ne datait pas d’un an… « Des portes de banque, c’est solide ! », ironise Jean-Charles, qui part chaque jour en croisade contre toutes les formes de gaspillage:
- Des bidons de plastique coupés en deux à l’oblique ? Des pelles à terreau avec poignée
- Un manche de parasol ? Un manche de binette (télescopique !)
- Une caisse à huîtres sciée et quelques clous ? De jolis paniers en bois
- Des cartons de rouleaux de papier-toilette coupés en deux dans la longueur ? Des mini-mottes pour repiquer des jeunes plants
- Des cubitainers souples percés de quelques trous d’épingles et posés au sol ? Un arrosage goutte à goutte
- Une caisse en bois d’un très grand cru ‘Mouton Rothschild’ ? Un nichoir 4 étoiles !