Portrait de jardinière
Ma passion pour le monde végétal et mon intérêt pour la faune et la photographie m’ont naturellement mené vers la réalisation d’un jardin naturaliste. L’idée était de créer un espace agréable visuellement tout en préservant la biodiversité et demandant peu d’entretien.
J’ai grandi avec l’observation des bébêtes, les plantes sauvages que j’ai très tôt répertoriée dans des herbiers et le respect d’une nature forte et fragile à la fois. Je me suis dirigée vers des études de biologie animale et végétale puis d’architecture du paysage quelques années plus tard. Je suis paysagiste conceptrice et rédactrice sur le thème du végétal aujourd’hui. J’ai commencé le jardin en 2008 et il est loin d’être fini … tout s’est fait au fur et à mesure. Les projets et les idées ne manquent pas, il y a encore de quoi nous occuper pour plusieurs années.
Le jardin en pratique
Le jardin dans sa globalité a une superficie de 2600 m², seulement le tiers est entretenu, le reste étant en friche. La terre y est argileuse et humide. D’autant plus humide que des sources souterraines coulent un peu partout plus ou moins profondément et qu’un ruisseau longe le terrain dans sa longueur. C’est une terre fertile mais qui a tendance à être asphyxiante et qui se réchauffe lentement au printemps. Les gelées tardives sont très courantes, jusque fin mai et reviennent tôt, en début d’automne. C’est avec tout cela que je dois composer.
J’ai tout de même pu planter bon nombre de végétaux qui se sont bien adaptés. J’en ai aussi abandonné beaucoup. Mais la palette est suffisamment large pour se faire plaisir, on finit toujours par trouver LA plante pour un endroit particulier. Et quand on trouve cette plante, elle est en bonne santé et prospère sans que l’on ait besoin d’intervenir. Le jardin se compose de rosiers triés sur le volet, d’arbustes printaniers, de graminées et de beaucoup de vivaces, sans oublier quelques éléments de structure. Un critère de sélection important aussi pour moi, c’est le feuillage … soit naturellement décoratif, soit qui prend de belles couleurs automnales. J’en tiens compte lorsque je choisi une plante. Le jardin est très luxuriant . son apogée en juin/juillet et très coloré en automne.
Je ne recherche pas la perfection d’un jardin bien entretenu, avec des lignes bien dessinées, des haies bien taillées, aussi joli qu’il puisse être. Ca ne correspondrait pas au lieu et puis je ne m’y retrouve pas. J’aime les herbes folles mêlées aux plantes que j’adopte qui outre le côté esthétique (belles fleurs et/ou feuillage graphique, coloré) doivent être faciles de culture, robustes, bien rustiques et peu ou pas sujettes aux ravageurs et maladies. Et si elles sont mellifères alors jackpot !
J’aime les espèces locales comme les sureaux et j’aime par dessus tout voir les insectes butiner ses fleurs magnifiques et les oiseaux se délecter de ses baies. J’aime les jardins grouillants de vie, qui nous réservent des surprises. Ce jardin est autant pour eux que pour ma famille et moi.
De nombreuses grenouilles, tritons et libellules font le siège des deux pièces d’eau. Il n’y a pas de poissons, les larves de moustiques sont vite dévorées par les insectes aquatiques. L’eau est claire, les plantes épuratrices jouent leur rôle, c’est un écosystème qui se régule bien.
Particulièrement sensible à l’écologie, je n’ai pas recours aux produits phytosanitaires et je m’en passe trés bien.
Une serre nous permet de cultiver des tomates, des aubergines, des poivrons et des concombres. Un petit bout de terre que l’on ne peut pas vraiment appeler potager nous permet de récolter des courges. Nous avons le projet de réaliser un potager digne de ce nom, ainsi que de réhabiliter notrevieux verger, laissé à l’abandon depuis des années. Tout en laissant une partie vraiment sauvage, orties, ronces, tas de bois … pour la faune du jardin.
J’utilise le paillage (broyat, paille, tontes) surtout lors de la création de nouveaux massifs. Ensuite, comme j’intègre beaucoup de plantes couvre-sols, celles-ci s’étendent vite et bien souvent le paillage devient superflue. D’autant qu’il est aussi un refuge pour les limaces, particulièrement nombreuses et voraces dans mon jardin humide. Il m’arrive d’utiliser le Bois Raméal Fragmenté si j’estime qu’une zone en a besoin.
J’ai aussi apporté des remorques d’humus (fumier de cheval bien décomposé) pour améliorer la terre par endroits. C’est aussi ce que j’utilise pour nourrir les rosiers les plus gourmands en début de printemps, ce qui rend inutile l’utilisation d’engrais chimiques.
Plusieurs réservoirs récupèrent l’eau de pluie, particulièrement pour l’arrosage dans la serre. Le jardin n’en a pas besoin, seules les petites plantes nouvellement plantées dont l’enracinement est encore trop superficiel y ont droit. Ensuite, ce petit monde se débrouille.
Conseils et astuces
Pour lutter contre les limaces, j’utilise les bacs de bière que je dispose un peu partout. Je veille à ce qu’ils soient inaccessibles pour les autres animaux comme les hérissons. Mais c’est moyennement efficace. Il faut en remettre souvent, favoriser au maximum la prédation, protéger les jeunes pousses bien tendres au moyen de cloches et réduire les plantes trop sensibles à leurs attaques. Pourtant autorisé en agriculture biologique, je n’utilise plus de Ferramol, cela s’est avéré parfaitement inefficace ici. Les pucerons et les tenthrèdes sont vite dévorés par les mésanges. Depuis quelques années, les méligèthes envahissent quelque peu les roses en juin/juillet. C’est plutôt inesthétique et désagréable quand on veut mettre le nez sur une rose pour respirer son parfum. Rien de dramatique cela dit. Le jardin ne subit pas l’attaque d’autres ravageurs pour le moment.
Pour lutter contre le mildiou sur les tomates, rien de mieux que de les cultiver sous abri. La serre nous est précieuse, sans elle, nous ne mangerions pas une seule tomate. Il m’arrive d’avoir recours aux purins et autres décoctions (ortie et consoude le plus souvent). Nous avons également très peu de problème de maladie au jardin. Quelques rosiers sont atteins de la maladie des tâches noires mais je fini par tous les envoyer en exil. A terme, il y a des chances que ne subsistent que ceux qui restent sains et présentables. Ceux qui demeuraient chétifs ont déjà quitté le jardin. Je suis devenue très sélective au fil des années.
Je n’ai pas d’aversion pour les plantes sauvages du jardin, sauf peut-être le liseron que je dois contrôler sans relâche sous peine de voir le jardin totalement recouvert et étouffé. Sinon, elles sont les bienvenues, comblent les petits vides qu’il peut y avoir entre deux plantes et je trouve qu’elles se mettent finalement en valeur. La nature est bien faite et nous réserve souvent de belles surprises, il suffit de voir les choses d’un oeil nouveau et de savoir apprécier les sauvageonnes à leur juste valeur.
Le problème majeur ici, c’est l’humidité hivernale et les gelées tardives qui peuvent occasionner des dégâts si la végétation a repris plus tôt que de coutume des suites d’un printemps particulièrement doux.
Le jardin est membre de l’association ‘Jardins Passions’, un réseau de jardins naturels dans le nord de la France et la Belgique. J’ouvre aussi « Le jardin sainte Anne » au public et lors des portes ouvertes, j’essaie de transmettre ma passion, de partager, d’échanger avec les gens qui viennent à ma rencontre. En dehors de cela, j’essaie de transmettre mes idées, mon savoir-faire à mes enfants qui sont toujours très enthousiastes et intéressés. Récemment, nous nous sommes amusés à fabriquer un hôtel à insectes avec uniquement des matériaux de récupération … quoi de plus ludique et pédagogique pour sensibiliser les enfants au respect des auxiliaires du jardin et d’introduire la notion de recyclage ?
De part ma profession également, j’essaie de sensibiliser, de bousculer les idées préconçues et d’orienter vers une démarche préservant la biodiversité. Enfin, je prévois de réaliser des ateliers pour les jardiniers de tous horizons sur divers thèmes.