Le sol est le lieu de l’absorption hydrique, pour les plantes mais aussi pour tous les micro-organismes qui y résident. Toute approche raisonnée du prélèvement d’eau dans le sol repose sur la maîtrise de sa disponibilité dans l’environnement racinaire ou microbien. Ce paramètre complexe de « biodisponibilité » intègre deux grandes notions, l’une quantitative qui définit le stock d’eau mobilisable dans le milieu par les organismes vivants et l’autre qualitative qui définit les possibilités énergétiques de transfert de l’eau du sol vers ces organismes.
La biodisponibilité de l’eau représente l’aptitude biophysique de la plante (ou du micro-organisme) à prélever cette eau dans le sol. C’est physiquement le travail à fournir pour le transfert. Deux principales composantes physiques vont influer sur cette biodisponibilité : une composante dite d’humidité ou encore matricielle et une composante osmotique. Moins il y a d’eau dans le milieu, plus celle–ci est liée à la matrice solide, et plus la contrainte matricielle est forte. Plus l’eau de la solution du sol est chargée en solutés (sels), plus la contrainte osmotique est élevée. Physiquement additives, ces deux contraintes doivent être raisonnées de front dans les milieux où la salinité n’est plus négligeable. La biodisponibilité de l’eau aura des conséquences directes sur l’absorption et bien entendu la croissance des plantes. De la situation de confort à une situation de rationnement, la relation disponibilité en eau vs croissance de la plante est continûment décroissante jusqu’à un seuil minimal au-delà duquel elle flétrit puis meurt. C’est le potentiel de l’eau dit au point de flétrissement. Autour de -1,6 MPa (ou -16 bars, ou encore pF 4,2) pour la plupart des plantes, c’est aussi une valeur courante pour la plupart des bactéries telluriques mais semblerait être encore plus faible pour de nombreux champignons. Des systèmes de mesures tensiométriques ou électriques indirects sont disponibles sur le marché pour approcher la biodisponibilité de l’eau. Cependant, une approche volumique quantitative reste souvent la plus abordable mais doit être soumise à la mise en œuvre d’autres paramètres : profondeur d’enracinement, ETP, pluviométrie et propriétés de rétention du sol. Dans un sol, l’eau est retenue dans la porosité générée par l’organisation des particules solides et des phénomènes physiques que l’on peut assimiler à de la capillarité. Plus un pore est fin, plus l’eau y sera retenue énergétiquement. Chaque sol sera donc caractérisé par : sa porosité totale, et la répartition des différentes tailles de pore, des pores les plus grossiers d’où l’eau sera rapidement éliminée par drainage gravitaire jusqu’aux pores les plus fins où l’eau n’est plus disponible pour les plantes car trop fixée. D’un point de vue opérationnel et assez grossièrement, dans un sol, la porosité intermédiaire capable de retenir de l’eau disponible se situe entre 10 et 0,1 microns. Ce volume représente ce que l’on appelle classiquement la Réserve Utile (RU). Pour conserver la capacité de croissance du végétal dans les systèmes de culture, un apport devra avoir lieu quand la moitié (sol sableux) ou les deux tiers (sol argileux) du volume d’eau de la réserve utile aurait été consommés (notion de Réserve Facilement Utilisable ou RFU).
Sylvain Charpentier
Professeur émérite de Science du sol, AGROCAMPUS Ouest-Centre d’Angers – 49045 Angers cedex