Contexte
Depuis janvier 2019, les produits phytosanitaires de synthèse sont interdits d’utilisation et de stockage par les jardiniers amateurs (loi Labbé). Deux ans après, la Société Nationale d’Horticulture de France (SNHF), par le biais de son pôle Jardiner Autrement, a souhaité connaître l’impact de la mise œuvre de cette loi sur les pratiques de jardinage. Il existe 17 millions de jardiniers en France, cependant le profil de ces jardiniers n’est pas connu.
Méthodologie
Un questionnaire ouvert à tous les jardiniers, a été diffusé en ligne à l’échelle nationale. Ce questionnaire a fait l’objet de tests sur un panel d’une quinzaine de jardiniers. Une campagne de communication a été menée via la presse, des sociétés horticoles adhérentes, des structures en lien avec les jardiniers amateurs, certaines communes, les réseaux sociaux et les lettres d’information Jardiner Autrement et SNHF. L’accès en ligne a été possible du 28 mai au 4 octobre 2021, il permit de récolter 2118 réponses. Certains résultats sont comparés avec les données de l’Institut National de la Statistique Études Économiques (INSEE) concernant l’ensemble de la population française (67 millions).
Présentation du corpus
Des jardinier.ères dépassant la cinquantaine
Au regard de l’âge, « 55 ans » représente une rupture au regard de la répartition de la population française (INSEE, 2021). Les tranches d’âge plus jeunes sont sous-représentées de 22 points, c’est plus particulièrement le cas pour les « 25-24 ans » (moins 9 points) et les « moins de 25 ans » (moins 6 points). Les « 55 ans et plus », avec 66 %, sont surreprésentés dans le corpus alors qu’ils ne comptent que pour 44 % de la population avec + 10 points pour les « 55-64 ans » et + 12 points pour les « 65 ans et plus ».
De grands jardins privés
83 % de ce corpus jardine dans un jardin individuel privé (résidence principale ou secondaire), le jardinage dans un jardin partagé ou collectif concerne 12 % du corpus. Les 18-34 ans jardinent significativement plus sur un balcon ou une terrasse depuis moins de 2 ans, les 55 ans et plus jardinent depuis plus de 10 ans dans un jardin individuel ou une parcelle de jardin familial.
Plus de 10 ans de jardinage une grande majorité
À la question « Depuis combien de temps jardinez-vous ? », 73 % des jardiniers ont répondu depuis + de 10 ans. 20 % entre 2 et 10 ans et 7 % depuis moins de 2 ans (dont 2 % seulement depuis la crise sanitaire).
Des répondants concernés par le protection de l’environnement
Les répondants sont globalement concernés par la protection de l’environnement puisque 87 % d’entre eux utilisaient déjà des produits respectueux de l’environnement avant la mise en application de la loi Labbé.
Quelle est l’évolution de l’utilisation des pesticides depuis la loi Labbé
Connaissance de la loi Labbé
La quasi-totalité (93 %) des jardiniers de cette étude connait l’existence de la loi Labbé. C’est encore plus vrai (97 %) lorsque leurs études sont en lien avec le secteur horticole, agricole ou de la biologie végétale.
Évolution de l’utilisation de pesticides
Avant la mise en œuvre de la loi Labbé, 70 % des répondants jardinant depuis plus de 2 ans n’utilisaient pas de pesticides (N= 1971). Parmi les personnes qui utilisaient des pesticides avant leur interdiction et parmi les jardiniers jardinant depuis moins de deux ans (N=720) seuls 16 % en utilisent encore. 5 % des 2118 jardiniers du corpus utilisent encore des pesticides en 2021.
D’où proviennent les pesticides utilisés en 2021 ?
Depuis janvier 2019, les produits phytosanitaires ont été retirés de la vente aux particuliers. 84 % des jardiniers qui utilisent des pesticides en 2021, disposent d’un stock personnel. L’approvisionnement se fait à l’étranger (12 %), sur internet (10 %) ou encore auprès d’agriculteurs (9 %).
Les pesticides utilisés actuellement sont les mêmes que ceux qui étaient utilisés avant 2019. Les plus utilisés sont les herbicides à 89 % juste avant les insecticides (72 %)
Perception de la loi Labbé et impact sur les jardiniers
91 % des jardiniers interrogés sont d’accord avec cette évolution dans les produits autorisés pour les jardiniers amateurs.La perception du jardin a évolué depuis la mise en œuvre de la loi Labbé, les mauvaises herbes (37 %), la perte de récolte (32 %) et les nuisances esthétiques (26 %) sont mieux acceptées. Les jardiniers se renseignent davantage.
Les surfaces de jardinage n’ont pas diminué pour 59 % d’entre eux. Il y a eu une augmentation de la surface de jardinage pour 34 % d’entre eux.
Attention : L’impact des confinements liés à la Covid-19 n’a pas été pris en compte. Il est probable que le confinement a pu avoir un effet non négligeable sur la perception du jardinage et l’évolution des surfaces cultivées.
La loi Labbé a-telle eu un impact sur l’état physique et moral des jardiniers ?
L’interdiction d’utilisation de pesticides utilisés par les jardiniers a modifié les habitudes, mais aussi la manière de réagir face à une maladie ou un ravageur. Le changement des pratiques suite à la loi Labbé a eu très peu d’impact sur l’état physique des jardiniers. En revanche, la loi a eu un impact plutôt positif sur l’état moral des jardiniers.
Les effets physiques et moraux dus à la mise en œuvre de la loi Labbé ont eu un impact significatif sur la surface de jardinage. Ceux qui ressentent des effets bénéfiques physiques ou sur leur moral ont significativement augmenté leur surface de jardinage.
À l’inverse, les personnes ayant ressenti un effet négatif ont significativement diminué leur surface de jardinage.
Les jardiniers entre 25 et 55 ans ont augmenté significativement leur surface de jardinage. Les jardiniers de + de 65 ans n’ont pas modifié celle-ci et pour 8 % d’entre eux, ont réduit leur surface. Cela correspond vraisemblablement à l’état physique lié à l’âge des jardiniers. La modification des surfaces de jardin serait donc imputée à l’âge plutôt qu’à la loi Labbé.
Conclusion
Avant la loi Labbé, le corpus de répondants était déjà concerné par les enjeux environnementaux et connaissait les techniques alternatives à l’utilisation des pesticides. L’application de la loi Labbé n’a pas eu d’impact sur le changement des pratiques de la majorité des répondants. Parmi ceux qui utilisaient des pesticides avant 2019, 5 % en utilisent toujours. Ces pesticides proviennent pour la majorité de leur stock personnel.
Lorsque celui-ci sera vide, il est possible qu’ils ne se réapprovisionneront pas.
L’utilisation des pesticides concerne principalement la lutte contre les mauvaises herbes qui reste une des préoccupations principales des jardiniers.
La solution apportée par les produits de biocontrôle ne compense pas les besoins des jardiniers, car ces produits sont peu connus et leur application nécessite une observation fine du jardin ainsi qu’une temporalité précise. En effet, ces produits doivent être appliqués en fonction du cycle de développement du bioagresseur et des conditions météorologiques précises.
Parmi les répondants, la majorité d’entre eux est satisfaite de l’application de cette loi. Il est donc important de poursuivre l’accompagner les jardiniers amateurs dans l’utilisation des produits de biocontrôle, amplifier les apports sur les techniques alternatives et mobiliser les moyens et les canaux de diffusion pour aussi toucher les profils de jardiniers peu ou pas présents dans le corpus.