à l’heure où l’agriculture majoritaire est pointée du doigt pour ses impacts néfastes sur l’environnement et en particulier sur les sols, de nouvelles approches alternatives de l’agriculture se développent. Parmi ces approches, la permaculture séduit en particulier une nouvelle génération de paysans, souvent non issus du milieu agricole, pour qui le retour à la terre concrétise avant tout un engagement citoyen et une recherche de sens.
La permaculture est un mouvement écologique et social fondé à la fin des années 70 en Australie. Organisée autour du bien-être humain et du respect de la Terre, la permaculture propose un cadre théorique et des outils méthodologiques pour concevoir des systèmes humains durables en s’inspirant du fonctionnement des écosystèmes naturels. L’inspiration biomimétique de la permaculture, peut se traduire par la création de systèmes agricoles à plusieurs strates (associations de culture, agroforesterie) pour optimiser l’utilisation des ressources par les plantes, une couverture permanente du sol (couverts vivants, ou paillage), une place centrale donnée aux plantes pérennes et aux arbres qui agissent comme des pompes à nutriments et stockent du carbone, des pratiques biologiques favorisant la vie du sol, une gestion intégrée de l’eau à l’échelle du paysage.
Initialement développés pour concevoir des projets d’autonomie et de résilience locale dans un contexte d’après-pétrole, les principes de la permaculture sont de plus en plus adaptés à des fermes à vocation commerciale. Au-delà de quelques initiatives emblématiques très médiatisées, un nombre croissant d’agriculteurs expérimentent concrètement la mise en œuvre de la permaculture et d’autres approches voisines, souvent à petite échelle (ex : réseau maraîchage sur sol vivant, réseau SMART sur le maraîchage biologique en agroforesterie). Le peu d’études scientifiques disponibles sur le sujet montrent que ces pratiques peuvent être viables économiquement (même si la viabilité économique reste toujours un défi en agriculture) et qu’elles semblent avoir des impacts positifs sur les sols : augmentation de la biodiversité vivant dans les sols, stockage accru de carbone (jusqu’à 2,6 % par an selon une étude), diminution du risque de lessivage des nutriments par la complémentarité des horizons racinaires explorés par les différentes strates végétales et par une couverture vivante dense du sol quasi constante.
Cependant, la permaculture n’est pas une panacée et de nombreuses pistes d’amélioration sont possibles dans ses applications. La vision globale très théorique prônée par cette approche a tout à gagner à s’enrichir de l’expérimentation concrète menée par des agriculteurs depuis des décennies en agriculture biologique ou en agriculture de conservation. Par exemple, une volonté globale de retour de la matière organique locale aux sols pourrait être complémentée par une vision plus fine par élément chimique. En effet, certains systèmes inspirés de la permaculture, très productifs donc très exportateurs de matière, peuvent montrer des carences sur le long terme. Certaines pratiques phares de la permaculture, inspirées par des techniques pertinentes en milieu tropical ne le sont pas forcément en milieu tempéré et doivent donc être questionnées ou réadaptées. De plus amples recherches sont souhaitables pour préciser en quoi la permaculture pourrait être une source d’inspiration intéressante pour la transition agroécologique à plus grande échelle.
Kevin Morel
Université Catholique de Louvain, Earth and Life Institute, Belgique – Chercheur indépendant en agroécologie